"Que nul n'entre s'il n'est géomètre !"
La tradition veut que cette phrase ait été gravée à l'entrée de l'Académie, l'école fondée à Athènes par Platon (424 - 347 av. J.-C.). Cette phrase est souvent gravée à l’entrée des temples maçonniques. En fait, la traduction du grec n’est pas tout à fait exacte, il serait préférable de traduire l'inscription supposée par « Que pas un inapte à la géométrie n'entre ! ».
L'avertissement ne vise pas tant ceux qui ne sont pas déjà géomètres confirmés que ceux qui n'ont pas, comme aurait dit Pascal, l'esprit de géométrie, ou du moins une aptitude à pratiquer la géométrie. C’est là le sens même de l’initiation maçonnique. Il faut déjà au départ être initiable. C’est une faculté de l’esprit, celle du chercheur de sens.
L’initiable, ne cherche pas à s’évader du monde, mais par une forme de méditation particulière, il élargit d’une manière naturelle et permanente son champ de conscience. Dans sa recherche, il ne tourne pas le dos à l’image que la science se fait du monde, car c’est la conscience qui a élaboré les concepts scientifiques et c’est la conscience qui va le guider. L’initiable ne prend donc pas un chemin différent de celui de l’esprit scientifique, comme on le constate souvent dans certains milieux de l’ésotérisme, car c’est cette conscience qu’il va élargir !
Cet élargissement de la conscience qui a toujours caractérisé les alchimistes en particulier et les véritables hermétistes et ésotéristes en général, repose sur le développement de facultés nouvelles présentes en réalité chez toutes les êtres humains, mais à l’état dormant. C’est la " Pierre Brute " des Francs-Maçons, la " Materia Prima " des alchimistes. La séparation du subtil de l'épais et la coagulation du volatil se fondent sur l'existence de deux processus qui accompagnent la genèse des mondes : involution et condensation de l'esprit, évolution et spiritualisation de la matière.
Ces deux processus sont, néanmoins, deux structures toujours actuelles de l'univers : « il monte de la terre au ciel et derechef il descend sur terre et reçoit la forces des choses supérieures et inférieures. »[1] Au plan spirituel, la séparation du Feu et de la Terre correspond à la phase d'idéalisation, d'éveil de la conscience supérieure (dissolution de la personnalité égocentrique, l'Adam des écorces); la conversation en terre du Telesme[2], " force forte de toutes les forces ", n'est autre que la renaissance spirituelle que symbolise le pentagramme flamboyant ou le Sceau de Salomon.
C'est la coagulation du divin et la régénérescence de l'homme en un corps de gloire. Au plan alchimique, la séparation des corps pour l'obtention de la " materia prima ", donc de la réalisation de l'œuvre au noir. La libération de l'agent universel effectuée, il s'agit de purifier celui-ci : c'est la phase liquide, puis aérienne, de l'œuvre au blanc (les eaux mercurielles). Il faudra ensuite le condenser (coagula), œuvre au rouge. La pierre philosophale est donc le miracle obtenue à partir de l'adaption de l'Un.
L’initiation est un chemin, un voyage, après une nouvelle naissance, le passage d’une porte vers un processus évolutif accéléré, donnant à ceux qui en sont capables le moyen de parvenir à l'élargissement de leur champ de conscience. Cette ouverture peut s'avérer assez dangereuse pour un individu non préparé spirituellement. C’est la raison pour laquelle il faut éviter d’initier le non-initiable, celui qui est incapable de maîtriser ses pulpions les plus primaires, celui qui ne maîtrisant pas ses émotions est esclave de ses passions ou de ses certitudes, celui-là ne peut être soumis à une telle expérience.
L’homme est fait d’ombre et de lumière. Nous avons tous un côté négatif et un côté positif. L’initiable est celui dont les côtés sont plus ou moins équilibrés. Il faut comprendre que le phénomène initiatique est une forme d’amplificateur des énergies mentales et de la conscience. Cette amplification concernera aussi bien le côté positif que négatif de la conscience et si le côté négatif et le plus développé à l’origine, il le sera d’autant plus après le phénomène initiatique et fera d’autant plus de dégâts. Ce qui sera une cause de problèmes certains dans la Loge et dans la Franc-Maçonnerie en général.
Dans « la Flûte enchantée » de notre Frère Mozart, « Tamino et Papageno partent ensemble à la recherche de Pamina. Papageno ne fait qu’exécuter une tâche qui lui a été assignée. Tamino en revanche agit par amour et par libre choix. C’est donc lui qui prend conscience des Ténèbres dont son esprit est aveuglé, et qui va désirer la Lumière. Papageno, le non-initiable, représente l'homme qui se complaît dans la singularité telle qu'elle lui est imposée par les forces qui régissent les forces sociales. L’Union de Pamina et de Tamino, scellée par leur initiation, assure la survie de la maçonnerie-essence. » [3].
[1] La Table d'Emeraude d'Hermès Trismégiste.
[2] Voir la traduction proposée par Canseliet- Fulcanelli, "Demeures philosophales, édition JJ Pauvert, tome 2, note pp. 247 sq.
[3] Mozart: les chemins de l'Europe - actes du Congrès de Strasbourg, 14-16 octobre 1991. Par Brigitte Massin, Publié par Council of Europe, 1997 - ISBN 9287129215, 9789287129215.