Le Rite Écossais Ancien et Accepté (REAA)
Encore appelé « Rite de Bordeaux », le REAA a vu le jour à la fin du 18e siècle. Il a été constitué conformément aux Grandes Constitutions maçonniques de 1762 et 1786, qui le régissent encore aujourd'hui. Le premier Suprême Conseil a été créé en 1801, à Charleston, Caroline du Sud, États-Unis. En Suisse, le premier atelier a vu le jour à Genève, le 31 janvier 1802, sous le nom de Chapitre « La Prudence ».
Pour sa part, le Suprême Conseil de Suisse a été constitué en 1873, à Lausanne. Le REAA de Suisse a été chargé d'organiser les Conférences internationales des Suprêmes Conseils du Monde en 1875 (le Convent de Lausanne), 1922 et 1995, ainsi qu'un certain nombre de Conférences des Souverains Grands Commandeurs européens. Actuellement, le REAA de Suisse compte 18 ateliers ainsi que le Suprême Conseil, le Grand Conseil des Souverains Grands Inspecteurs Généraux et le Consistoire.
Curieusement, ce rite n’est pratiqué dans les trois premiers degrés que dans les obédiences européennes, à l’exception d’Israël et de quelques obédiences africaines. Les États-Unis ne le pratiquent que dans les hauts grades, du 4e au 33e degré (quelques Loges bleues [0] semblent cependant pratiquer ce rite aux USA). C’est justement sa particularité, car issu de l’Ordre d’Hérédom, à l’origine de l’écossisme en Europe, il a été dès l’origine un système des hauts grades, ce qui explique la raison pour laquelle les grades des Loges Bleues de ce Rite semblent en général plus ou moins « bâclés ».
Le Rite Écossais Ancien et Accepté est le rite le plus pratiqués dans le monde. Ce rite est très ancien; il aurait été créé entre 1733 et 1735 en Écosse. À cette époque, il y avait des Loges de « scottish Masons » (Maçons Écossais). On rencontre les premiers Maîtres Écossais à la Grande Loge en 1743 en France. Le rite à évolué, il a pris la forme que nous lui connaissons le 24 Juin 1801 à Charleston aux États-Unis.
L'origine historique du Rite
A la fin du 17e siècle, quand les Îles anglaises étaient dans le chaos et déchirées par les conflits, plusieurs Écossais ont fui en France où ils ont repris leurs titres maçonniques. On croit que de là découle l'usage du mot "Écossais".
C'est en 1732 que la première Loge Écossaise « Scottish Lodge » fut établie à Bordeaux, un des centres maçonniques les plus anciens et les plus influents en France. Les membres étaient des francs-maçons anglais et écossais. Dès le 26 mars 1688 (selon un Etat du Grand Orient, 1779) la mention est faite de l'existence de loges militaires au sein des régiments écossais et irlandais ayant accompagné le roi Charles II d'Angleterre lors de son exil en France. Ces régiments écossais "stuartistes" exilés en France furent à l’origine de plusieurs Loges : Bordeaux 1732, Valenciennes 1733, Metz 1735, etc. Selon le Tableau des Loges du Royaume de France établi le 6 novembre 1744, il y avait eu à cette date et depuis 1726, 20 Loges à Paris, 19 en province et, assez surprenant, 5 Loges militaires, soit 44 au total. C'est à partir de cet instant que ce qui devait devenir l'Ordre Maçonnique en France, prit son essor sous la forme du Rite Français primitif. Il semble que cela soit à l'origine du mouvement maçonnique de l'écossisme d'où est issu, notamment, le REAA.
Les Hauts Grades ont été formés dans les années 1738 à 1740, et ce n'est qu'en 1761 que Stéphan Morin de Bordeaux a obtenu la permission de porter ces grades à travers l'atlantique jusqu’en l'Amérique.
En 1763 Morin établit aux Antilles, possessions françaises à cette époque, un système constitué de 25 degrés appelés hauts grades, et qui sont connus par le Rite de Perfection "Rite of Perfection".
Le 31 mai 1801, à Charleston en Caroline du sud, fut fondé le « Suprême Council of the Thirty-Third degree » Conseil Suprême du 33e degré pour les États Unis, le premier conseil suprême du Rite Écossais Ancien et Accepté au monde. Le but de ce conseil était d'unifier ces groupes Maçonniques compétitifs et de sortir du chaos l'ordre maçonnique. Le conseil était constitué de 11 Grands Inspecteurs Généraux.
Depuis qu'il a été officiellement reconnu en août 1801 à Charleston en Caroline du Sud, le Rite Écossais Ancien et Accepté s'est dès lors répandu dans le monde entier.
Ceci pour brosser très rapidement un historique de ce rite. Pour mieux le comprendre, il est aussi nécessaire de se pencher sur les différents courants de pensées qui ont été à l’origine de ses fondations. Puis il faut ensuite analyser le fondement de ce Rite qui du 1er au 33e degré est essentiellement basé sur une quête métaphysique qui est toujours basé sur une seule chose, « la connaissance de soi ». C’est bien à ce niveau que ce rite semble être à vocation exclusivement initiatique. Essentiellement Humaniste, le REAA a pour objectif de « rassembler ce qui est épars » dans un élan universel afin de permettre une vision : « la construction du Temple de l’Humanité ».
Le REAA est par essence symbolique et dans nos Temples, tout n’est que symboles. Les honneurs et les degrés de lumière qui y sont conférés ne sont que des jeux d’ombres et d’illusions. Gare à celui qui ne l’a pas compris car la cordonnite n’est que l’apanage des sots.
Les sources du Rite
Si à l’origine, ce rite était essentiellement basé sur une forme d’ésotérisme chrétien, il est assez vite devenu un syncrétisme de plusieurs traditions plus ou moins anciennes. Cela est probablement dû au fait que l’Église Catholique, elle-même devenu un syncrétisme de plusieurs anciennes Traditions, à la suite du Concile de Nicée en l’an 325 de notre ère, a finit par oublié son ésotérisme d’origine pour mieux embrasser le pouvoir de l’éxotérisme. Celui de l’Hiérophante qui a trahit le spirituel au profit du matériel. D’où cet aspect universel dont s’est inspiré le REAA, non lié à une quelconque orientation confessionnelle particulière. Les principales sources identifiables qui ont fait évoluer ce Rite sont bien connues : La tradition du corporatisme des marchands médiévaux, celle du compagnonnage des tailleurs de pierre écossais et la piste chevaleresque : templière, en 1314, à Kilwinning et teutonique, avec Frédéric II de Prusse, qui signe les Grandes Constitutions du REAA en 1786. Chacune de ces sources lui ont apporté ses traditions qui ont fusionnées en un même syncrétisme :
- La tradition hermétique issue des anciens égyptiens et des arabes,
- Orphique et pythagoricienne, héritage de la période hellénistique,
- Kabbaliste avec l’apport hébraïque,
- Johannite gnostique avec le christianisme primitif.
Le courant hermétique
« Alchimie » vient de l’Arabe « AL », La Vie est combustion ! Il s’agit ici du Feu originel, celui qui est à l’origine de la Vie. Là, est l’origine alchimique du mythe de la « parole perdue » qui hante les degrés du REAA. Surtout si l’on songe que « Qimia » était le nom de l’Égypte ancienne qui a donné en arabe "AL" (ou "EL" en hébreux). "AL" c'est Dieu, "Kimia" signifie « terre noire » (qui est symboliquement l’Égypte). « Kimit » signifie « la terre noire ». Le terme Alchimie n’a rien à voir avec l’antique art de la Chimie moderne, mais est bien la transmission des anciens secrets de la transmutation en « corps de lumière » de l’Égypte ancienne. Ajoutons "AL" à "Kimia" et nous obtenons "la Terre de Dieu". En hébreux, Adam signifie « Terre rouge ». Dans sa traduction de la Bible, André Chouraqui traduit ce mot par « le glébeux ». Le principe est le suivant, l’être humain est potentiellement immortel (c'est le soufre). En l'Homme, nous dit l'alchimie, se trouve l'embryon d'immortalité. Mais ce n'est qu'un embryon. C'est « l'Oeuf Philosophique ». La vie, notre vie terrestre, est une période de gestation de cet embryon. La mort, notre mort physique, est un accouchement. Accouchement qui relève plus de la fausse-couche si durant notre vie nous n'avons rien fait. Accouchement d'un enfant viable, d'un adulte ou d'un adepte si nous avons pris le soin de choyer cet embryon et de le nourrir. Chacun de nous est semblable à une femme enceinte. Sa grossesse dure toute sa vie. Il est à noter que la Franc-Maçonnerie véhicule encore cette définition, en particulier le Rite Égyptien de Cagliostro. Dans cette doctrine, l’hiérophante ou « le Grand Cophte », affiche son objectif; La construction d’un “Corps de Lumière”, un corps glorieux. Dans « Les quarantaines spirituelles », Joseph Balsamo (1743-1795), alias Cagliostro précise : « Chacun recevra en propre le Pentagone (Étoile Flamboyante), c’est à dire cette feuille vierge sur laquelle les Anges primitifs ont imprimé leurs chiffres et leurs sceaux, et muni de laquelle il se verra devenu Maître et chef d’exercice; sans le secours d’aucun mortel, son esprit est rempli d’un feu divin, son corps se fait aussi pur que celui de l’enfant le plus innocent, sa pénétration est sans limites, son pouvoir immense, et il n’aspire à plus rien d’autre qu’au repos pour atteindre l’immortalité et pouvoir dire lui-même : "Ego sum qui sum", je suis celui qui est, c’est la Parole inscrite dans le Tétragramme Hébraïque : Iod – Hé – Wav - Hé ».
La Table d’émeraude est le joyau des textes hermétiques qui restent et resteront à jamais d'actualité. Car, loin de véhiculer des idées dépassées ou antiques, ils nous parlent d'éternité. Loin d'être un amas de curiosités et de superstitions, ils nous entretiennent de la nature humaine profonde que Gustave Jung (1875-1961) a su si bien décrire, cette part de nous-même qui est en relation perpétuelle avec la Nature et l'ensemble de la Création. Sans dogmatisme, ces textes invitent à une réflexion sur la condition humaine, ils emmènent l'esprit vers le chemin des Étoiles et de la divinité au cœur de nous-même, là où le Mystère réside, aux sources de la Vie, par-delà les frontières de la vie et de la mort, en un lieu où la transmutation s'accomplit, où l'homme redevient Homme et renaît à lui-même. C'est un fabuleux voyage dont on revient transformé. C'est la réalisation véritable de cette maxime intemporelle écrite sur le fronton du Temple de Delphes : "Connais-toi toi-même et tu connaîtras l'Univers et les dieux". Car le vrai secret de l’initiation est effectivement « la transformation » de l’individu au plus profond de lui-même. L’erreur de bien de beaucoup scientifiques a toujours été qu’ils observent la Nature, comme s’ils n’en faisaient pas partie intégrante. Oui, c’est bien cela qu’il faut changer. Nous faisons qu’un avec la Nature et l’effervescence écologiste qui agite ce début de XXIe siècle est bien là pour nous le rappeler.
L’héritage de la période hellénistique
La voie orphique
La mythologie grecque est à l’origine de la civilisation occidentale. Il faut comprendre que les mythes sont importants car ils sont fondateurs de civilisations. La tradition orphique a pour fondement, la métempsycose [1]. La légende d'Orphée, une des plus obscures de la mythologie grecque, est liée à la religion des mystères ainsi qu'à une littérature sacrée allant jusqu'aux origines du christianisme.
Les mystères d'Eleusis, peut-être sous l'influence de l'orphisme, deviendront une religion de salut. Le mystère central, dans chacune de ces deux sectes, était celui de la mort et de la résurrection, symbolisée par la décomposition de la graine dans la terre et sa réapparition sous la forme d'un être vivant qui s'élève vers la lumière. Le même thème sera repris dans l'Évangile (si le grain ne meurt ?). Les rogations, ces prières pour que le grain en mourant devienne fruit, faisaient encore partie du paysage spirituel des campagnes il y a quelques décennies.
Les mystères d'Eleusis comportaient des cérémonies d'initiation complexes qui se déroulaient en deux temps. Les candidats étaient d'abord initiés aux petits mystères qui étaient célébrés au printemps dans le faubourg athénien d'Agra. Ils participaient, six mois plus tard, aux grands mystères durant une dizaine de jours. Ils devenaient mystes après avoir été purifiés puis se rendaient en procession solennelle jusqu'au sanctuaire, en empruntant la Voie sacrée qui reliait Athènes à Éleusis. L'initiation secrète avait lieu à l'intérieur du sanctuaire, dans le Télestérion.
La Grande Déesse Maternelle de la Terre, divinité de la fertilité et déesse des "Mystères d'Eleusis", compte parmi les douze grands dieux olympiens. Fille de Cronos et de Rhéa, elle donnera naissance, par son union avec son frère Zeus, à Perséphone (Proserpine). Déméter (Terre Mère) sera identifiée par les Romains à la déesse italique du blé, Cérès, après avoir été identifiée, dans des temps très anciens, à la déesse égyptienne Isis, à la déesse phrygienne Cybèle, et à sa propre mère, Rhéa. Déméter préférera vivre sur terre plutôt que sur l'Olympe, notamment à Eleusis, en Attique. Elle fondera les "Mystères d'Eleusis" pour commémorer le retour de sa fille Perséphone célébrés chaque année, à l'automne. La légende de Déméter consacre une large place à la perte de sa fille Perséphone.
Le message principal de l'Orphisme lancé voilà plus de 3’000 ans est d'abord un appel à la fraternité entre les hommes. Pour un objectif simple : apaiser la douleur de Perséphone. Réunir tous les hommes c'est redonner vie à Dionysos, le dieu démembré dont les hommes sont issus. Réunir toutes les parcelles de divinité éparpillées en chaque homme pour ne faire plus qu'un : l'Humanité. Ce message sera repris par le Jésus du Christianisme de façon directe et plus simple : « Aimez vous les uns les autres ». C'est vers ce monde-là que nous allons. Il n'est pas d'autre choix possible.
Soyez libres et restez rebelles. Dites-vous bien que les choix des autres sont rarement ceux qui sont bons pour vous. Or c'est vous et pas les autres qui devront rendre compte de cette vie, une fois passée la porte du « Monde des morts ».
Le but de la religion orphique consiste à perfectionner l’âme et à faire triompher la nature dionysiaque ou divine de l’être. Des rites de purification et des pratiques ascétiques rythment la vie de l’adepte et doivent l’amener à débarrasser son âme de sa composante titanique. L’un des piliers de l’orphisme est la foi en l’immortalité de l’âme. Celle-ci est soumise à des réincarnations successives dans des enveloppes charnelles qui sont autant de prisons pour elle. La pratique des rites orphiques avait pour réputation de purifier l’âme afin de la sauver de ce recommencement perpétuel, et lui faire gagner un salut définitif. L’âme du défunt, une fois rendue parfaite, peut alors rejoindre les champs Élysées, région des Enfers où elle demeure dans une félicité éternelle. Nous ne sommes pas loin ici du « Samsâra » du Bouddhisme.
La voie pythagoricienne
L’autre tradition grecque ancienne qui a inspiré le REAA et la voie Pythagoricienne. École philosophique, l'école pythagoricienne eut le caractère d'une secte, qui croyait en la transmigration des âmes (métempsycose). Elle prônait une réglementation stricte des comportements et des tâches, et défendait des visées théocratiques, aristocratiques et conservatrices.
Pythagore de Samos (532 av. J.-C.). Né à Samos, disciple supposé de Thalès, ce personnage semi-légendaire serait allé étudier en Égypte, selon le conseil de son maître. Après avoir été initié par les prêtres égyptiens à leurs mystères, il serait revenu dans sa patrie ; mais il fut obligé de s'exiler et alla fonder à Tarente, en Italie, l'École Pythagoricienne où selon l'heureuse expression de Montucla, « toutes les connaissances qui peuvent contribuer à perfectionner l'esprit et le cœur furent cultivées avec zèle »,
Selon ses historiographes, Pythagore enseignait la sphéricité de la Terre et du Soleil, l'obliquité de l'écliptique, la cause des éclipses. II reconnut, a écrit Diogène Laërce, que l'étoile du soir et l'étoile du matin forment un seul astre, la planète Vénus.
Pythagore eut le premier, dit-on, l'idée de supposer que c’est la Terre qui tourne autour d'un axe passant par son centre et autour du Soleil ; mais cette idée fut attribuée à Philolaus (né vers 450 av. J.-C.), l'un de ses disciples, parce qu'il fit connaître publiquement cette opinion, tenue jusque-là cachée dans l'École Pythagoricienne. C’était une sorte d’Académie où l'on étudiait la philosophie, les mathématiques, les sciences naturelles l'astronomie. Ces adeptes, issus de tous les milieux sociaux, venaient écouter les cours et pratiquaient des rites secrets.
En quoi croyaient Pythagore et ses disciples ?
- Il préconisait une vie simple, prônant l'austérité, la patience, le contrôle de soi.
- Une de leurs croyances était la métempsycose. L'âme d'un humain ou d'un animal est réincarnée dans un autre humain ou dans un autre animal après la mort.
- Une autre de leurs croyances pourrait se résumer en « Tout est nombre ». Le nombre entier est la cause des qualités des divers éléments de l'univers. L'harmonie est divine, elle consiste en rapports numériques.
- Cette dernière croyance les a amenés à étudier avec passion les propriétés des nombres entiers.
Quelques unes de leurs découvertes s’est concrétisé dans le théorème que nous connaissons encore aujourd’hui sous le nom de « théorème de Pythagore ». Il était pourtant déjà connu depuis les Babyloniens (environ 1’000 ans plus tôt) mais Pythagore semble avoir été le premier à le démontrer vraiment. Dans un triangle rectangle, le carré de la longueur de l'hypoténuse est égal à la somme de carrés des longueurs des côtés de l'angle droit. Le triangle ABC étant rectangle en A, on a : BC2 = AB2 + AC2.
La Kabbale hébraïque
Le mot Kabbale est d'origine hébraïque. Il est dérivé de « QABBALAH », qui signifie, tout à la fois : « Contenance et Tradition » ; En effet, sa racine est : « NEQUEBAH », qui signifie, « La Femelle, Celle qui Contient... » Et d'ailleurs, nos Anciens, pour faire leurs courses, portaient des sacs noirs, appelés : « Quabbah ». La Kabbale ou « CHAL CHELET HA KABALA » signifie aussi « CHAINE DE LA TRADITION » c’est la Tradition ésotérique (intérieure) hébraïque, alors que, le Talmud, est la Tradition exotérique (extérieure).
Tout comme en Alchimie, il y a la Kabbale « Spéculative » et la Kabbale « Opérative ou Pratique... ». La Kabbale pratique est une forme de Magie, permettant d'exercer un « pouvoir » sur le monde psychologique et ce, grâce, à l'utilisation de symboles.
La Kabbale spéculative est un ésotérisme, une forme d’initiation à la connaissance de soi, à l’univers et au Divin par le langage des symboles. C’est bien sous cette forme qu’elle intéresse les Francs-Maçons. La Kabbale, c’est « ce que l'on reçoit », c'est la Sagesse d'En Haut. Les kabbalistes admettent généralement que la sagesse fut révélée à Moïse sur le mont Sinaï, en marge de la Loi Écrite, le Pentateuque (Torah). La Kabbale constitue la forme la plus élaborée de l'ésotérisme judaïque. Perceptible dès le livre d'Hénoch, écrit au 1er siècle avant notre ère, elle s'épanouit pleinement aux alentours du 13ème siècle dans les milieux rabbiniques de Provence et d'Allemagne.
Ce ne sera qu'au début du IIe siècle de notre ère qu'apparaîtra en Palestine le rabbi Simeon Bar Yo'Hai, auteur présumé du Sepher ha-Zohar (Le Livre de la Splendeur). Et ce ne sera qu'un millénaire plus tard que se développera dans le Midi de la France le mouvement kabbalistique, avant de s'épanouir en Espagne. Il atteint son apogée à Safed (Galilée) au XVIème s. avec Cordovero et Louria.
La Kabbale s'exprime généralement par des symboles et remonte à l'origine du divin et des choses : c'est la science de l'Être par excellence. Cette science est basée sur la Parole. Ce qui est nommé acquiert existence (c'est avec 10 paroles que Dieu créa le monde). En hébreux, parole se dit « DAVAR », ce qui signifie chose, parole, affaire ou ordre. C'est pourquoi, la chose n'a d'existence que si elle porte un nom. Par conséquent, la connaissance du nom implique la connaissance de la chose elle-même. Ainsi, connaître le nom de Dieu reviendrait à connaître Dieu lui-même.
La Kabbale se différencie de la métaphysique par le fait qu'elle ne se préoccupe pas de savoir si la chose existe. Il suffit que la chose soit. Le kabbaliste ne cherche pas la vérité, il participe à la vérité par ses actes. La Kabbale est donc une démarche de vie et un mode de vie spirituelle.
La Kabbale en réalité n’est qu’un instrument d’investigation des profondeurs de la psyché humaine. Se référant explicitement à Maître Eckhart quand il disait : « Ce n'est pas au-dehors mais à l'intérieur : tout à l'intérieur », Jung [2] proposait ainsi « d'observer patiemment ce qui se passe en silence dans l'âme », dans la mesure où tout homme a par nature « dans son âme propre quelque chose qui peut croître ».
Le johannisme gnostique
Saint-Jean
Apôtre de l'Église intérieure. Saint-Jean l'évangéliste, frère de Jacques est l'un des douze apôtres. Il fut selon les Écritures, l'apôtre que Jésus aimait d'où son surnom de "préféré". Il est le fils de Zébédée et de Salomé. Selon toute vraisemblance, il serait né en Galilée, à Bethsaïda. Après la mort du Christ, il commencera, dans un premier temps, une activité de missionnaire, au côté de Pierre. Puis après le martyre de ce dernier, sans doute sous Néron vers l'an 64, il voyagera en Asie Mineure (Antioche) pour finir Evêque d'Ephèse. Il décédera selon la tradition en 99 à un âge avancé. Homme de conviction, il se montre courageux dans ses actes. Ainsi c'est lui qui se trouve au pied de la croix aux côtés de Marie le jour de la crucifixion et entend les dernières paroles de Jésus. C'est lui encore qui suit Joseph d'Arimathie pour ensevelir le corps du Christ. Des quatre évangélistes, Jean est le plus fascinant et il nous laisse outre le "quatrième évangile" une apocalypse et trois épitres. Saint-Jean est le lien entre Jésus de Nazareth et la communauté dite "johannique" dont la tonalité est fortement gnostique. Le prologue de Jean est à la fois un sommet de la littérature biblique et une oeuvre dont la densité a suscité et continue de susciter les commentaires les plus variés de la part des théologiens comme des symbolistes.
Dans les écrits johannites, le thème Lumière - Ténèbres occupe une place prépondérante. C’est un carrefour où se rejoignent le cosmique et l’anthropologique, la parole et l’action, le passé et le présent. Alors que les Ténèbres sont le chaos primordial, l’ignorance, la peur, l’erreur, la mort, l’esclavage, la Lumière est esprit, gloire, parole, sagesse, vérité, vie et liberté. Les deux piliers du Johannisme sont la Gnose et l’Amour. Mais ces deux colonnes sont liées car il n’y a pas de Connaissance sans amour ni d’amour sans Connaissance. Aussi la tradition Johannite, intérieure, mystique, secrète, gardienne de l’ésotérisme chrétien, prépare le second avènement du Christ. C’est pourquoi la chevalerie authentique s’est réclamée de la Paternité Johannite.
La Gnose
Le gnosticisme est l'enseignement basé sur la gnose, qui est une connaissance intérieure issue de l'intuition. La gnose est donc une expérience personnelle qui s'exprime à travers le mythe. Le mythe étant l'expression symbolique de ce qui ne peut s'exprimer par le dogme.
Le christianisme gnostique est connu grâce à quelques rares textes d'origine (la plupart ont été détruits lors de la persécution menée contre ce courant), aux propos de leurs détracteurs (rarement objectifs et encore moins bienveillants) et aux documents gnostiques découverts en 1945 à Nag Hammadi, en Haute Égypte. Ce mouvement chrétien, est l'héritier et le prolongement du courant johannique. Il durera de la fin du Ier siècle au début du IVe, jusqu'à ce que la persécution ne l'élimine complètement.
Par gnose, les chrétiens de ce courant entendaient certes la réflexion théologique, mais bien davantage toute démarche spirituelle et mystique pour aller vers Dieu. La quête ou la connaissance de soi et la quête de la connaissance de Dieu étaient étroitement associées. La connaissance de soi est à leurs yeux simultanément connaissance de Dieu. Le chemin de la Foi recoupe alors celui de la psychothérapie. Pour ces chrétiens, la foi est plus un chemin initiatique personnel qu'une soumission ou une obéissance à une révélation commune et à son clergé.
Reprenant à leur compte la conception de l'Église du johannisme (pas de charges ecclésiales instituées, mais, comme pour Jésus, les plus proches affectivement sont aussi les plus à même de comprendre sa vision d'une communauté sans hiérarchie officielle), les gnostiques vont orchestrer et développer le propos du 4e évangile : ceux qui sont réellement proches du Maître, donc les mystiques [3], ceux qui ont des visions et des révélations sans briguer aucune autorité institutionnelle, sont les meilleurs héritiers de la promesse. Après Jean et Marie de Magdala, ce seront tous ceux qui ont une réelle expérience mystique, en toute humilité. Dans cette perspective, qui récuse toute hiérarchie et toute quête d'un pouvoir terrestre, ils diront que le vrai mystique qui a suivi un parcours intérieur de qualité, peut devenir l'égal de son Maître. Évidemment, une telle affirmation, jadis comme aujourd'hui, fait hurler les tenants du péché originel et de la condition humaine, à leurs yeux, misérable par nature.
Ces gnostiques prônaient une spiritualité intérieure et ne défendaient pas les institutions. Là, était leur faute au regard des représentants de l'Église officielle. De ce fait, entre autres :
- ils étaient résolument les théologiens de l'Esprit et de l'inspiration, refusant toute autorité doctrinale et ecclésiale sur les consciences ;
- pour eux, les miracles - dont la résurrection de Jésus - ne devaient pas forcément faire l'objet d'une interprétation littérale ou matérielle ;
- ils émargeaient au courant théologique dualiste, même s'ils pouvaient avoir des approches diversifiées de ce que pouvait être l'origine du Mal ;
- ils animaient des communautés vivantes où la diversité de pensée était de mise et où le respect des autres induisait notamment que les femmes avaient les mêmes prérogatives que les hommes, prêtrise comprise.
L’Étoile est le symbole par excellence de la gnose car cette figure possède incontestablement une signification céleste. Les voûtes des Temples antiques et des Cathédrales étaient parsemées d'Étoiles pour indiquer que les Influences Divines s'y exerçaient avec une intensité particulière. Parce qu'elles apparaissaient dans l'obscurité, les Étoiles participaient au grand combat de la Lumière et des Ténèbres, qui est la Pierre Angulaire des religions antiques et du Johannisme. Ce sont donc des Symboles de l'Esprit. Le Pentagramme Pythagoricien, comme l'Étoile Flamboyante de la franc-maçonnerie, possède cinq branches. C'est donc le Symbole de la Manifestation Centrale de la Lumière, du Centre Primordial. C'est aussi le Symbole de l'Homme Réalisé.
Pour les gnostiques, point n’est besoin d’intermédiaire entre Dieu et l’Homme, la notion de clergé perd donc tout son sens. L’Homme doit retrouver l’étincelle divine, cachée en lui et construire un Temple intérieur pour l’abriter. C’est bien à ce niveau qu’il se sont attirés les foudres de Rome. L’hérésie de l’Ordre intérieur des Templier suit la même voie lorsqu’elle précise, notamment au REAA que la reconstruction du Temple n’est pas physique mais spirituelle au plus profond de Soi. C’est la construction du Corps de Lumière de Cagliostro mais c’est aussi la quête du Graal et le chemin vers l’Illumination, telle que le préconise le Bouddhisme.
Le mouvement chevaleresque
L’origine templière
Historiquement, la piste templière pourrait expliquer l'origine de cette série de grades liés à l'esprit de la chevalerie, associant la symbolique alchimique au don de soi. Les Templiers ayant été de grands bâtisseurs, il est tout à fait logique qu’ils aient eu des contacts suivis avec les maçons. De plus, leurs origines corporatives respectives pouvaient prêter à des rapprochements, voire à des luttes d’influence entre ces deux fraternités. La tentation est grande, en effet, puisque de chaque côté, le Temple et les lieux saints justifient leur existence même. Quant à la philosophie des chevaliers du Temple, elle n’est pas sans rappeler certains éléments de celle des maçons. Et pourtant, malgrès le célèbre discours du Chevalier de Ramsay qui faisait remonter la Franc-Maçonnerie aux croisades, rien n’indique que les idées des Templiers aient pénétré la Franc-Maçonnerie, même si le fait d’avoir été des martyrs de la royauté et de la papauté ne pût que recueillir l’écoute favorable de certains francs-maçons.
Cependant, il est probable qu'une grande partie de l'Ordre des Templiers, en France et notamment sa célèbre flotte, a pu fuir vers le Portugal, l'Espagne et l'Écosse. Pour ce qui est de l'Espagne et du Portugal, protégés par les souverains de ces royaumes, les Templiers ayant échappé à la rafle du 13 octobre 1307, se sont "recyclés" sous le nom de "Chevaliers du Christ" au Portugal contre l'invasion sarrasine et en Espagne, ils se réfugièrent dans l'Ordre de Calatrava qui fusionna par la suite dans celui de Montesa. Logiquement, on peut penser qu’ils mirent leur flotte et leurs connaissances au service de ces pays qui, étonnamment vont être par la suite, à l’avant-garde des expéditions et des découvertes en Afrique, aux Indes et en Amérique.
Selon une légende, au soir du 18 mars 1314, Aumont et 7 autres chevaliers auraient récupérés les cendres de Jacques de Molay et criés les mots "Mac Benach" en jurant de venger l'Ordre. Aumont se serait alors rendu en Ecosse et, sur l'île de Mull, il aurait été désigné comme nouveau grand-Maître de l'Ordre le 24 juin 1315. Ce noyau de Templiers serait à l'origine de la constitution de la loge maçonnique Heredom ou "Sainte Maison".
(Photo de pierres tombales templières, exposées à Kilmory. Un petit village écossais de l’Argyll, à l’entrée de la péninsule du Kintyre.)
Cette piste écossaise est par ailleurs, rapportée par Stéphane Ingrand, dans son livre "Les templiers" (2004). Au matin du vendredi 13 octobre 1307, tous les Templiers de France sont arrêtés sur ordre du roi Philippe IV, dit "le Bel" (le petit-fils de Saint Louis ou Louis IX). Après la disparition de l'Ordre du Temple et le supplice de son Grand-Maître, Jacques de Molay, il est dit que le Grand Maître provincial d'Auvergne, Pierre d'Aumont, s'enfuit en terre celtique, sur l'île écossaise de Mull ; il y trouva là le grand commandeur Hauptoncourt, Georges Harris, ainsi que d'autres frères et ils résolurent d'y former un nouvel Ordre, afin d'assurer la transmission de la Tradition, le roi d'Écosse - Robert the Bruce - leur assurant "favorable accueil et pleine protection".
Ce noyau de Templiers serait à l'origine de la constitution du Chapitre d’Hérédom ou "Sainte Maison" lors de la Saint-Jean 1312 ; ils réunirent donc un chapitre et Aumont fut reconnu Grand Maître. Les Templiers émigrés en Écosse ont combattu les troupes d'Édouard II aux côtés de Robert the Bruce lors de la bataille victorieuse de Bannockburn (1314). En remerciement de cette participation, le roi créa l'Ordre des Chevaliers du Chardon de Saint-André dont il décore les Templiers. Ceux-ci ont adopté comme signe de reconnaissance une figure représentant la croix de Saint-André formée par un Templier allongé dont les jambes sont croisées en X, la main droite tirant l'épée du fourreau, ce dernier maintenu par la main gauche. Les Templiers ont été enterrés en Écosse dans cette position. Gabut J.-J., dans son livre "Les survivances chevaleresques dans la franc-maçonnerie du Rite Écossais Ancien et Accepté" (2004), atteste de la présence de tombes templières dans le comté d'Argyll retrouvées par le chercheur F. A. Greenhill.
Le traité de Northampton apporte enfin la paix (1328) et reconnaît Robert Bruce comme roi d’une Écosse indépendante ; peu après, l’excommunication pontificale qui pesait encore sur lui est levée. C’est à cette période qu’il encouragea les Templiers à ce dissoudre dans l’Ordre Royal d’Hérédom qui orienta en partie la Franc-Maçonnerie spéculative moderne.
À l’origine rattaché à la Grande Loge Royale d’Édimbourg, l’Ordre d’Hérédom, aurait, selon la tradition, été fondé en 1314 à Kilwinning, une bourgade d’Écosse du comté d’Ayr, par le roi Robert Bruce 1er. Cette autorité, réelle, subsista jusqu’en 1736 et ce n’est qu’en 1808 que la loge de Kilwinning cessa de distribuer des Chartes. Cette Loge de Kilwinning est considérée comme "immémoriale" et porte le numéro 0 de la Grande Loge d’Écosse.
Les Écossais de Canongate-Kilvinning observent, le 24 juin, la fête de leur saint patron Jean-Baptiste. Jamais cette loge n'a été « fermée » depuis sa fondation, mais seulement « ajournée » d'une réunion à l'autre. Ceci est très symbolique. La franc-maçonnerie écossaise conserve l'héritage des Templiers vivifié par l'apport d'autres loges. En Angleterre, la franc-maçonnerie fut toujours admise par le pouvoir royal et la hiérarchie religieuse. Les loges étaient sur le même style que celles de France ; mais au moment d'y être admis, il fallait prononcer un serment en jurant sur la Bible et demander la protection de la Très Sainte Trinité. Le papier sur lequel était inscrit le serment était brûlé immédiatement après. Les corporations anglaises ont toujours été maîtresses de leurs règlements. Elles ont pu ainsi conserver la tradition. Comme les membres de la franc-maçonnerie voyageaient beaucoup et entretenaient des relations d'une loge à l'autre, il leur fallait des signes de reconnaissance. Ces signes, exprimés sous forme de symboles, pouvaient être compris de tous les ouvriers appartenant aux loges. C'était un moyen de communication. Le secret absolu était naturellement, de rigueur.
Les Constitutions de 1762, dites "de Bordeaux" prouvent cette filiation templière. Elles sont à la base du rite du Royal Secret (improprement appelé "rite de Perfection") et ont servi de base à la rédaction des Constitutions de 1786. Voici, notamment, un extrait de ces Grandes Constitutions du REAA dites de 1786 : « Ces raisons et d'autres causes non moins graves nous imposent donc le devoir d'assembler et de réunir en un seul corps de Maçonnerie tous les RITES du Régime ÉCOSSAIS dont les doctrines sont, de l'aveu de tous, à peu près les mêmes que celles des anciennes Institutions qui tendent au même but, et qui, n'étant que les branches principales d'un seul et même arbre, ne diffèrent entre elles que par des formules, maintenant connues de plusieurs, et qu'il est facile de concilier. Ces RITES sont ceux connus sous les noms de Rit Ancien, d'Hérédom ou d'Hairdom, de l'Orient de Kilwinning, de Saint-André, des Empereurs d'Orient et d'Occident, des Princes du Royal Secret ou de Perfection, de Rit Philosophique et enfin de Rit Primitif, le plus récent de tous. »
On retrouve cela par ailleurs dans le rituel du REAA où le Maître des Cérémonies, coiffé du chapeau et la canne à la main, symbolise le « rouleur » du compagnonnage tandis que l’Expert, l’épée à la main, symbolise le « templier ». L’ouverture des travaux le montre bien lorsque la canne et l’épée forment la voûte, l'équerre, au-dessus des Trois Grandes Lumières pour rappeler l’union des deux traditions en un seul Ordre initiatique.
L’origine teutonique
Les fondements constitutionnels des Suprêmes Conseils du REAA reposent essentiellement sur les Constitutions de 1762 et les Grandes Constitutions de 1786, qui confèrent, exclusivement, leurs caractéristiques et leur entité aux Suprêmes Conseils.
- Les Constitutions de 1762 (Bordeaux) créent et organisent ce qui doit être une société d'initiés, le Rite était alors divisé en 25 degrés, et en 7 classes, avec une répartition des pouvoirs visant à créer un Centre relié à la Tradition, et dont dépend tout le Rite.
- Mais à la suite de conflits et de rivalités, une nouvelle organisation, dirigée par Frédéric II de Prusse, lié à l’Ordre intérieur Teutonique, crée à Berlin, les Grandes Constitutions de 1786, seules lois fondamentales de l'Ordre encore aujourd’hui, qui ordonnent la hiérarchie en 33 degrés, affirment les valeurs essentielles du Rite, et représentent le ciment de tous les S.C. du REAA unis sous la même devise : « Ordo ab Chao, Deus Meumque Jus ». Ce qui signifie : « Ma mission consiste à faire apparaître l’Ordre à partir du chaos apparent, en m’appuyant sur les deux alliés que sont Dieu et mon Droit ». Dieu est la loi incontournable et mon Droit est la possibilité de l’utiliser « à bon escient ». L’Aigle possède deux têtes ; l’une correspond à la justice et l’autre à la paix. Les deux têtes de l’Aigle du REAA sont surmontées d’une tiare qui reçoit les influx descendant d’un triangle lumineux - pointe en bas - portant le nombre 33, évoquant de ce fait la « réalisation descendante » associée aux derniers degrés de l’Écossisme (30, 31, 32, 33). Les deux têtes correspondent au Roi de Justice et au Roi de Paix, la tiare correspond au Prophète et le Triangle à l’Esprit Prophétique. Cette l’Aigle évoque aussi Melkitzedeq (cf. Genèse 14, 1820) et le Saint-Empire. Melkitzedeq Melekh Shalem, expression qui signifie : Roi de Justice, Roi de Paix.
Il faut comprendre que la filiation templière ou chevaleresque du REAA concerne essentiellement l’ordre interne du Temple. Il faut savoir que l’organisation templière comprenait deux parties. La première, exotérique concernait la doctrine religieuse des moines soldats qui respectait les dogmes et pratiques de l’Église Catholique. La deuxième, ésotérique concernait les membres de l’ordre intérieur. Cette partie cachée ne comprenait qu’une élite dépositaire des secrets initiatiques de l’ordre elle était dirigée par un Grand Maître Secret. C’est cette partie qui s’est enfuie au Portugal, en Écosse et en Allemagne après l’arrestation et la persécution des templiers au matin du vendredi 13 octobre 1307. C’est donc cette connaissance qui a été transmise et cachée dans la franc-maçonnerie des hauts grades et notamment dans celle du REAA.
Un syncrétisme symbolisme ésotérique universel
De l'Égypte ancienne, à la Mésopotamie, en passant par le monde hébreu, l'hellénisme, le celtisme, le songe médiéval chevaleresque, les kabbalistes et les occultistes élisabéthains, traversant les religions et les mystères initiatiques, C’est une longue exploration des anciens et nouveaux mythes de l’humanité qui permets de comprendre comment est constituée le fonds du symbolisme des espaces sacrés de la maçonnerie contemporaine. Ce syncrétisme est le fondement dont est notamment constitué le REAA.
Dans nos loges, le pentacle (étoile flamboyante) est représenté avec la lettre « G » en son centre, remplacée parfois par un oeil. La lettre « G » est en fait la contraction de l'Yod, qui signifie le principe actif, agissant. C’est l’Absolu Étant (ou Dieu pour les croyants) dans son intégrité. L’Étoile flamboyante, la quintessence au sens hermétique du terme, la génération dans tous les mondes. Pour le monde divin, généré et générateur ne sont qu'un dans leur unité de nature. C'est le Verbe correspondant au Père et au Fils, qui dans le monde créé, devient générateur à son tour comme principe dans la nature. Il est symptomatique que l’origine de cette Trinité nous vient du Culte d’Isis signifiant : Isis, Osiris, Horus ; Le Père (principe masculin), la Mère (principe féminin) et le Fils (résultante et poursuite de la génération). Curieusement, après le Concile de Nicée, la Mère a disparue au profit du Saint Esprit …
Cette étoile à cinq branches, symbole de la Gnose, était à l’origine le symbole d’un culte à l’éternel féminin, dont le Calice est le symbole, réceptacle de la Vie, de la Naissance ; Vénus. Cette étoile représente l'initié en qui le Feu intérieur est éveillé (en qui on a purifié l’esprit et le cœur) et qui pourra poursuivre sa route en progressant vers l’Illumination. Il y a aussi les deux Colonnes représentant les deux principes Royal et Sacerdotal, symboles de toutes sociétés humaines : le Soleil, la Lune, que l'on désigne sous les noms de « Jakin » et de « Boaz ». La Kabbale explique longuement ce symbole. Il y a le triangle équilatéral ou delta lumineux qui symbolise la Trinité sous toutes ses formes philosophiques ou symboliques. Enfin, l'épée flamboyante du Vénérable Maître, qui est la purification de l'initié et qui préside aussi à l’ouverture des Travaux, précisant le passage du profane au sacré. Elle est représentée dans le Tarot par « le Chariot », le chiffre 7, celui de la perfection. L'épée flamboyante est le signe de la victoire sur les vices, qui sont au nombre de sept, comme les vertus. L’épée Flamboyante symbolise l’outil du tueur de dragon, celui qui a tué la bête qui sommeillait en lui. Elle représente aussi une des vertus théologales ; La Foi, cette aspiration à l'infini, cette noble confiance en soi-même, soutenue par la croyance en toutes les vertus. La Foi, qui dans les natures faibles peut dégénérer sous l’influence de l’ignorance, en orgueil et en fanatisme, est représentée par le Soleil. L'Espérance, ennemie de l'avarice est représentée par la Lune. La Charité, opposée à la luxure, par Vénus, la brillante étoile du matin et du soir (le pentacle). La Force, supérieure à la colère, par Mars. La Prudence, opposée à la paresse, par Mercure. La Tempérance, opposée à la gourmandise, par Saturne, à qui l'on donne une pierre à manger à la place de ses enfants et la Justice, enfin, opposée à l'envie, par Jupiter, vainqueur des Titans. Tels sont les symboles empruntés aux anciens cultes helléniques.
Il est impossible de comprendre le sens caché du REAA sans l’utilisation du symbolisme ésotérique. Car il s’agit bien d’un langage et même d’une logique analogique. On peut dire que si la langue, la parole, par exemple, est un moyen de découverte d'un peuple et même de l'homme au sens de l'anthropologie, le symbole serait plutôt un moyen de découvrir le monde en ce sens qu'il est possible de comprendre l'utilité des symboles seulement quand on en a fait le tour; quand on peut comprendre l'ensemble de ce que forme l'Univers et l'Homme.
C’est que les mythes sont chargés d’aspects symboliques ésotériques, logique analogique cachée qui ne s’adresse pas à la raison pure mais à l’inconscient collectif. C’est le principe de la dualité « Soleil – Lune », principes de la conscience. Elle peut être rapportée au niveau de l'être que nous sommes, à travers la dualité "Soleil-Raison" qui peut être à la fois, la conscience responsable des actes de l'individu et l'intuition qui est un raccourci de l'intelligence. La "Lune-Imagination" pourrait englober à la fois l'inconscient, l'irrationnel, les rêves et la supra-lucidité, c'est-à-dire la connaissance primordiale qu'on pourrait aussi appeler "inconscient collectif". Le mythe est souvent plus important que n’a pu l’être la réalité historique car le mythe est porteur de valeurs qui sont fondatrice de civilisations. Ce sont les mythes qui construisent les civilisations et qui font ainsi l’Histoire. Qu’importe que Guillaume Tell ait pu exister ? C’est son mythe qui a fait battre le cœur des helvètes. Giovanni di Lorenzo de Medici (1475-1521), pape sous le nom de Léon X a pu dire : « On sait de temps immémorial combien cette fable du Christ nous a été profitable ».
Ce que nous faisons en Loge n’est pas vraiment innocent. Le rituel maçonnique est un pont entre le visible et l’invisible. Il est souvent basé sur la répétition de formules, de litanies ou d’acclamations. Comme le tintement des cloches, il agit comme une vague qui engendre un état second. Le symbolisme s’adresse au subconscient et non au conscient. Comme la prière, il jaillit des lèvres et s’intériorise. Il permet d’atteindre une forme d’inconscient collectif qui est source de paix, d’harmonie et de connaissance de soi. Il se poursuit inconsciemment dans le silence de la nudité de l’être avant de relier les êtres dans le mystère de la Chaîne d’Union, au-delà des mots et des différences. Il devient contemplation lorsque la voix extérieure et la voie du dedans n’éprouvent plus la nécessité d’utiliser des mots, pour enfin devenir illumination lorsque l’homme devient éveillé, lucide, détaché de son ego pour être relier à la chaîne mystique, à l’inconscient collectif. C’est ainsi que l’initié entre dans le Temple pour finalement créer son propre Temple intérieur. Là, est le secret de la devise de Socrate : « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les dieux ».
[0] Les ateliers des trois premiers degrés (apprenti, compagnon et maître) sont appelés loges symboliques ou loges bleues. Ceux des grades complémentaires ou supérieurs, appelés "hauts grades".
[1] Croyance dans la réincarnation de l'âme après la mort dans un corps humain, dans celui d'un animal ou dans un végétal.
[2] C.G. Jung : « La vie symbolique, Psychologie et vie religieuse », Albin Michel.
[3] Le mysticisme : Ensemble des doctrines et des situations, des expériences et des faits par lesquels l'âme humaine accède à la rencontre immédiate de Dieu ou du monde divin. L'expérience mystique est un des aspects spirituels fondamentaux dans la plupart des religions. Elle suppose une connaissance directe du divin ou de la divinité, sans la médiation de la démarche discursive, volontiers rationnelle, ni, ce qui est moins évident, des symboles sensibles. L'intuition y est reine.